Parfois, on se dit que le temps ne passe pas, ou alors trop vite, ou alors avec des boucles. Melkoni Project ressuscite de hautes beautés que l’on ne se souvient pas avoir croisées depuis longtemps, dépose sur les vieux trônes des splendeurs à la radieuse jeunesse, cueille les fruits vifs du printemps au vaste arbre de la mémoire...
Résumons : on ne connaissait pas Louise et Gwen, mais on les connaissait depuis toujours – et même avant qu’ils ne se connaissent. Ils font entendre une musique neuve et familière à la fois, bel entrelacs d’héritages et d’audaces. La voix de Louise Perret galope comme chez André Minvielle, assume d’impériales fragilités à la Barbara, se barbouille de joie chez Charles Trenet, chemine dans ses textes entre sensualité et sentiment. La Favino de Gwen Cahue ne sait pas que jouer Django (et qu’elle le sait bien !) : elle fréquente les échelles impossibles du jazz le plus mutin, elle frôle beaucoup de patrimoines hérissés de majuscules et d’émotions...
On devine que Louise et Gwen ont d’abord partagé des vertiges virtuoses et swing, là où leurs goûts musicaux se croisaient. Puis Louise a écrit. Une écriture du sensible, du désir, de la mélancolie, sertie aux mélodies limpides et éperdues de Gwen. Ce qui se déploie alors ressemble à une photo de Robert Doisneau, à une robe qui tourne, à une tâche de soleil sur un lit défait, à un rendez-vous qu’on laisse s’éterniser, à un rire d’enfant entendu par-dessus le mur du jardin – le cœur se gonfle, la gorge se serre un peu. Quand l’album se termine, on n’ose pas faire de bruit.
Mais on a toujours le temps pour ce genre de bonheur. On le réécoute.
Bertrand Dicale

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